Les accidents de ski

L’hiver est marqué par le retour de la neige et les activités en montagne.

Chaque année, des milliers de personnes se retrouvent en altitude pour pratiquer les activités de glisse. Nombreux sont ainsi les accidents recensés, lesquels se produisent souvent sur les pistes skiables.

On dénombre alors sur ces pistes autant de typologies d’accidents que de régimes de responsabilité.

En effet, le régime de responsabilité ne sera pas le même selon que l’accident de ski sera survenu seul, par le fait d’un tiers ou à l’occasion de l’utilisation du matériel des remontées mécaniques de la station.

Ces cas de figure seront successivement abordés :

  • l’accident de ski survenu seul

Si aucune action en réparation n’est possible dans ce type d’accident car les dommages subis par le skieur résultent simplement de son fait, il est en revanche possible qu’il soit couvert par une assurance au titre par exemple d’une garantie accident de la vie.

Il faudra alors mettre en place une expertise médicale. Des difficultés peuvent alors survenir au stade de l’évaluation auprès du médecin de la compagnie d’assurance et du chiffrage des indemnisations ; l’assistance par un binôme Avocat – médecin conseil est hautement conseillée.

  • l’accident de ski survenu par le fait d’un tiers

Tout skieur ou autre pratiquant de sport de glisse causant un accident à un autre pratiquant sera obligé de réparer les dommages qu’il a causé, conformément aux règles de la responsabilité extracontractuelle, définies aux articles 1240 et 1241 du Code civil.

Comment savoir si un skieur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en cas d’accident de ski ?

Il n’existe pas, à l’instar du code de la route, un code du ski ou de la montagne en droit français.

En revanche, la Fédération Internationale de Ski a édicté des règles de bonnes conduites, destinées au skieur et/ou snowboardeur auxquelles se réfèrent régulièrement les juges pour apprécier le comportement du skieur et déterminer si ce dernier a commis une faute ayant concouru aux conséquences dommageables de l’accident (cf. en ce sens :  Cass., 2e civ 8 juillet 2010, n° pourvoi 09-14557 ;  Cass., 2e civ, 14 avril 2016, n°15-16450).

Les règles de la fédération Internationale de ski

  1. Respect d’autrui : Tout skieur doit se comporter de telle manière qu’il ne puisse mettre autrui en danger ou lui porter préjudice.
  2. Maîtrise de la vitesse et du comportement : Tout skieur doit descendre à vue. Il doit adapter sa vitesse et son comportement à ses capacités personnelles ainsi qu’aux conditions générales du terrain, de la neige, du temps et à la densité de la circulation sur les pistes.
  3. Maîtrise de la direction : Le skieur amont, dont la position dominante permet le choix d’une trajectoire, doit prévoir une direction qui assure la sécurité du skieur et/ou snowboarder aval.
  4. Dépassement : Le dépassement peut s’effectuer, par l’amont ou par l’aval, par la droite ou par la gauche, mais toujours de manière assez large pour prévenir les évolutions du skieur et/ou snowboarder dépassé.
  5. Pénétrer et s’engager sur la piste ainsi que virer vers l’amont : Tout skieur qui pénètre sur une piste de descente, s’engage après un stationnement ou exécute un virage vers l’amont doit s’assurer par un examen de l’amont et de l’aval, qu’il peut le faire sans danger pour lui et pour autrui.
  6. Stationnement : Tout skieur doit éviter de stationner sans nécessité sur les pistes, dans les passages étroits ou sans visibilité. En cas de chute le skieur doit dégager la piste le plus vite possible.
  7. Montée et descente à pied ; Le skieur qui monte ne doit utiliser que le bord de la piste. Il en est de même du skieur qui descend à pied.
  8. Respect du balisage et de la signalisation : Tout skieur doit respecter le balisage et la signalisation.
  9. Assistance : En cas d’accident tout skieur doit prêter secours.
  10. Identification : Tout skieur témoin ou partie responsable ou non d’un accident est tenu de faire connaître son identité.

En général, l’auteur du dommage est couvert par une garantie Responsabilité civile souscrite au titre de son contrat Multirisque habitation. Il conviendra donc d’initier des démarches auprès de son assureur responsabilité civile.

Il peut être également couvert par une assurance dite « carte neige » qui assure également une garantie responsabilité civile et défense-recours, à la différence de la simple assurance dite « carré neige » proposée lors de l’achat des forfaits de ski.

Mais qu’en est-il lorsque l’auteur du dommage n’est pas identifié ou n’est pas assuré ?

Il est toujours possible d’obtenir une réparation auprès du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (dit « FGAO »).

La piste de ski est considérée comme une voie ouverte à la circulation publique et le FGAO est seul compétent, au sens de l’article L.421-1, alinéa 3 du Codes des assurances pour indemniser les victimes de dommages nés d’un accident de la circulation causé, dans les lieux ouverts à la circulation publique, dès lors que le skieur responsable est inconnu ou non assuré.

La Cour de cassation a en effet eu l’occasion de confirmer, au terme d’un arrêt du 16 juin 2011, que ces dommages relevaient de la compétence exclusive du FGAO :

Cass. 2e civ., 16 juin 2011, n° 10-23.488, F-P+B, FGTI c/ A : « Qu’en statuant ainsi, alors que l’atteinte causée à Mme X… par une personne circulant sur le sol dans un lieu ouvert à la circulation publique relevait de la compétence du FGAO, peu important la vocation subsidiaire de ce Fonds en présence d’un assureur du responsable susceptible d’indemniser la victime, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

  • l’accident de ski survenu lors de l’utilisation du matériel de la station

Lorsque l’usager s’acquitte d’un forfait de ski pour utiliser le matériel mis à disposition sur le domaine skiable, un lien contractuel se créé entre l’usager et l’exploitant du domaine skiable.

Ce dernier devient débiteur d’une obligation de sécurité et d’entretien à l’égard de l’usager. Sa responsabilité est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil s’il n’a pas satisfait à son obligation de sécurité.

L’exploitant du domaine skiable peut être tenu par une obligation de sécurité de moyens ou de résultat envers l’usager.

L’une et l’autre déterminent dans quelles conditions l’exploitant du domaine skiable pourra voir sa responsabilité engagée.

Si l’exploitant est tenu d’assureur la sécurité de l’usager par une obligation de moyens, il appartiendra à la victime de démontrer le manquement de celui-ci dans l’exécution de cette obligation.

Au contraire, lorsqu’il est tenu par une obligation de résultat, sa faute est présumée. Celui-ci ne pourra s’exonérer de cette présomption de responsabilité qu’en prouvant que l’inexécution est à l’origine d’un cas de force majeure.

La nature de cette obligation sera appréciée selon que l’usager a joué un rôle actif ou passif dans la survenance de son dommage.

On observe que les juridictions font en principe peser sur l’exploitant une simple obligation de moyen lorsque le skieur descend une piste, en raison du « rôle actif du skieur » et « d’un certain aléa dans la pratique de ce sport » (CA Chambéry, 27 février 2014, 13/00559).

  1. par ex. pour l’absence d’un filet de protection et/ou d’une signalisation spécifique :

Cass., 1ère 17 février 2011, n°09-71.880 ;

Cass., 1ère, 3 juillet 2013, n°12-14.216 ;

CA, Grenoble 19 octobre 2004 n°03 00610.

Notre cabinet a été saisi des intérêts de deux skieurs, victimes d’un accident de ski sur le domaine skiable de la Clusaz. Alors qu’ils terminaient de descendre une piste bleue, ces derniers ont chuté en franchissant un dôme de neige qui s’était formé au bout de la pente par l’effet d’un canon à neige. Cet obstacle n’avait alors pas été signalé par le service des pistes, géré par la commune de La Clusaz.

Cette affaire a été portée devant le tribunal judiciaire d’Annecy afin d’engager la responsabilité de la commune et de la société SATELC, co-exploitante du domaine skiable.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire d’Annecy s’est prononcé en faveur d’un partage de responsabilité par moitié entre la Commune de la Clusaz et les deux skieurs.

Le tribunal a ainsi retenu que la commune gérant le service des pistes avait manqué à son obligation de sécurité en ne signalant pas la présence d’un dôme de neige, lequel revêtait un caractère anormal et exceptionnel.

Dans le même temps, le tribunal a aussi jugé que les deux skieurs avaient adopté une vitesse excessive et anormale au regard des circonstances de temps et de lieu.

La Commune de la CLUSAZ a ainsi été déclarée par moitié responsable des préjudices subis par les deux skieurs et tenue de réparer les conséquences dommageables résultant du manquement à ses obligations par moitié.

Aucune part de responsabilité n’a par contre été retenue à l’encontre de la SATELC qui a exécuté sa prestation de damage sur la piste de ski où s’est produit l’accident.

Ces distinctions entre rôle actif/passif du skieur et obligation de moyens/résultat retrouvent toute leur importance lorsque l’accident survient sur une remontée mécanique.

Ainsi, il a été retenu que l’exploitant du télésiège est tenu d’une simple obligation de moyens pour les opérations d’embarquement et de débarquement, au cours desquelles le skieur a un rôle actif à jouer (Cass., 1ère civ, 11 mars 1986, 84-13.656, Publié au bulletin).

Il est toutefois tenu par une obligation de sécurité de résultat durant le temps de transport, le skieur ne jouant qu’un rôle passif (Cass., 1ère civ, 11 juin 2002, n°00-10.415, Publié au bulletin).

***

Avant d’engager toute responsabilité, il est indispensable de définir qui se voit confier la gestion de la sécurité, de l’entretien et des secours sur les pistes de ski.

Investi d’un pouvoir de police sur les pistes, le maire doit veiller à la mise en œuvre des mesures de prévention, d’information, de sécurité et à la bonne organisation des secours sur son domaine skiable, sous peine de voir sa responsabilité engagée.

La commune peut gérer elle-même la sécurisation et l’entretien de son domaine skiable, sous la forme d’une régie, par exemple ; elle peut tout aussi bien décider de concéder la gestion de la sécurité, de l’entretien et des secours sur les pistes de ski à un prestataire privé, comme une société gestionnaire des remontées mécaniques.

La société chargée de l’exploitation du domaine skiable constitue alors un service public industriel et commercial.

Dans ce cas de figure, la signalisation sur le domaine skiable, notamment de la présence de dangers sur la piste ou et l’entretien de celui-ci, incombera à cet exploitant.

Cela ne signifie toutefois pas que le maire est exonéré de toute responsabilité, bien au contraire.

Celui-ci conserve en effet ses pouvoirs de police en vertu des articles L. 2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales.

Il est donc important de savoir précisément le rôle de chacun avant de s’engager dans une procédure en responsabilité.

Cette question de compétence peut également se poser lorsque surviennent des accidents avec des dameuses ou des canons à neige.

Quelle juridiction saisir en cas d’accident de ski ?

En 2009, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt de principe relatif au contentieux des accidents de ski.

En effet, par un arrêt du 19 février 2009 (Mlle Beaufils et M et Mme Beaufils, n°93020), le Conseil d’Etat déclare désormais les juridictions judiciaires seules compétentes pour connaître des actions en réparation d’une victime d’un accident survenu sur une piste de ski dirigée à l’encontre d’un domaine skiable :

« Considérant que l’exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station est exploitée en régie directe par la commune ; qu’en raison de la nature juridique des liens existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître d’un litige opposant une victime à une commune en sa qualité d’exploitant de la station, que la responsabilité de l’exploitant soit engagée pour faute ou sans faute ; que dès lors, la responsabilité sans faute de la commune pour défaut d’entretien et de mise en sécurité des pistes de ski ne pouvait être recherchée que devant le juge judiciaire ».

Ainsi peu importe que le domaine skiable soit exploité en régie directe par la commune ou par un exploitant, ce type de contentieux relève désormais de la compétence de la juridiction judiciaire.

La Cour de cassation s’aligne sur la position du Conseil d’Etat.

C’est ainsi que par un arrêt en date du 31 mars 2010 (n°09-10.560), elle casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de GRENOBLE du 17 novembre 2008, considérant que la société chargée de l’exploitation du domaine skiable est un service industriel et commercial, que les liens unissant un tel service à ses usagers sont des liens de droit privé, la juridiction de l’ordre judiciaire étant dès lors seule compétente.

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