L’arrêt rendu par le Tribunal des conflits constitue une évolution jurisprudentielle importante en matière de responsabilité médicale, en consacrant à la victime le libre choix de la juridiction lorsqu’il s’agit d’actes successifs accomplis en partie dans un établissement privé et en partie dans un établissement public
En l’espèce, la victime d’un dommage corporel a subi deux interventions chirurgicales successives.
La première, réalisée au sein d’une clinique privée, a été suivie de complications, au décours desquelles est apparue une fistule vésico-vaginale. La seconde intervention, pratiquée dans un établissement public, a quant à elle entraîné l’apparition d’un syndrome de la douleur vésicale.
L’expertise médicale a conclu que la fistule vésico-vaginale, ainsi que les douleurs apparues dans les suites des deux interventions chirurgicales, constituent, pour chacune d’elles, un aléa thérapeutique.
La victime a saisi la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) d’une demande d’indemnisation. Après dépôt du rapport d’expertise, l’ONIAM a formulé une offre que la victime n’a pas acceptée.
Cette dernière a donc saisi le tribunal administratif de la Martinique pour faire valoir ses droits et obtenir une réparation intégrale de ses préjudices.
Le tribunal administratif a renvoyé au Tribunal des conflits la question de la compétence juridictionnelle dans une situation où les actes à l’origine du dommage relèvent successivement des deux ordres de juridiction.
Par une décision de principe, le Tribunal des conflits a admis que, dans certaines conditions, la victime peut librement choisir l’ordre de juridiction compétent :
Il résulte des dispositions de l’article L. 1142-20 citées ci-dessus que l’action en indemnisation formée par la victime contre l’ONIAM au titre d’un dommage relevant du régime de solidarité nationale rappelé au point 3 est intentée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage.
Toutefois, lorsque le dommage trouve sa cause dans plusieurs accidents médicaux ou aléas thérapeutiques successifs résultant d’actes de soin réalisés, d’une part, par un médecin exerçant à titre libéral ou dans un établissement de santé privé et, d’autre part, dans le cadre du service public hospitalier et que la commission de conciliation et d’indemnisation a été saisie d’une demande globale portant sur l’ensemble de ces accidents médicaux ou aléas thérapeutiques, puis que l’ONIAM s’est prononcé sur celle-ci, la victime peut, si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite, rechercher la réparation de son entier dommage soit devant le juge administratif, soit devant le juge judiciaire. Le juge saisi statue alors sur l’entier dommage.
Lorsque le Tribunal des conflits reconnaît à la victime la faculté de saisir la juridiction de son choix, cette possibilité n’est toutefois pas sans limite : elle est subordonnée dans le cas d’espèce à la réunion de trois conditions cumulatives :
- Une pluralité d’actes médicaux successifs accomplis tant dans le secteur privé que dans le secteur public ;
- Une saisine préalable de la CRCI par la victime ;
- Un refus ou une offre d’indemnisation émise par l’ONIAM à l’issue de cette procédure.
Doit-on en tirer la conclusion que cette faculté du choix de la juridiction ne serait ouverte que lorsqu’il s’agit d’accidents médicaux non fautifs, appelés aléas thérapeutiques, conduisant à l’indemnisation par le seul organisme ONIAM ?
Cette jurisprudence est-elle transposable aux nombreuses affaires où hôpitaux et cliniques sont mises en cause et où aléas thérapeutiques et fautes médicales se mêlent ?
La brèche qui est ouverte doit être saluée mais il ne faut pas s’arrêter là.
Cet assouplissement procédural constitue en effet une avancée en faveur des droits des victimes, d’autant que le tribunal judiciaire présente des délais de traitement souvent plus courts que ceux du tribunal administratif, et se montre, en pratique, plus juste dans l’évaluation des préjudices.